Chapitre 11 : Méthodes de Plantation Manuelle : Techniques et Bonnes Pratiques

La plantation manuelle demeure une méthode fondamentale et largement pratiquée en reforestation, même à l’ère de la mécanisation. Elle offre une flexibilité et une précision inégalées, particulièrement adaptées à certaines situations et contextes. Votre chapitre 11 se concentre sur les techniques et les bonnes pratiques de plantation manuelle, soulignant un savoir-faire essentiel. Explorons ensemble ces aspects :

Méthodes de Plantation Manuelle : Techniques et Bonnes Pratiques

I. La Pertinence Continue de la Plantation Manuelle : Flexibilité et Précision au Service de la Reforestation

Malgré l’essor des techniques mécanisées, la plantation manuelle conserve une place prépondérante dans de nombreux projets de reforestation à travers le monde. Sa pertinence réside dans sa capacité à s’adapter à des situations et des contextes où la mécanisation se révèle difficile, inefficace, ou non souhaitable. Pourquoi la plantation manuelle reste-t-elle si importante ?

• Adaptation aux Terrains Difficiles et Accidentés : Dans les zones montagneuses, les pentes abruptes, les terrains rocailleux, ou les zones à forte présence de souches ou d’obstacles naturels, la plantation mécanisée est souvent impossible ou très difficile à mettre en œuvre. La plantation manuelle, grâce à sa flexibilité, permet d’accéder à ces zones et de planter des arbres même dans les endroits les plus inaccessibles.

• Précision et Sélectivité : La plantation manuelle permet un placement très précis des plants, en choisissant l’emplacement optimal en fonction des micro-variations du terrain, de la présence d’ombre ou d’abri, et de la végétation préexistante. Elle permet également une plantation sélective d’espèces différentes, en fonction des micro-habitats et des objectifs de diversification.

• Respect du Sol et du Milieu : Contrairement à certaines techniques mécanisées lourdes, la plantation manuelle a un impact minimal sur le sol. Elle ne provoque pas de compaction du sol, préserve sa structure et sa fertilité biologique, et minimise les risques d’érosion. Elle est donc particulièrement adaptée aux sols fragiles et aux zones sensibles sur le plan environnemental.

• Adaptation aux Petits Projets et aux Plantations d’Enrichissement : Pour les petits projets de reforestation, les plantations en agroforesterie, les reboisements de zones linéaires (haies, ripisylves), ou les plantations d’enrichissement en forêt existante, la plantation manuelle est souvent la méthode la plus pratique, la plus économique, et la plus adaptée aux besoins.

• Création d’Emplois Locaux et Valorisation du Savoir-Faire : La plantation manuelle est une activité génératrice d’emplois, en particulier dans les zones rurales et les pays en développement. Elle valorise la main-d’œuvre locale et les savoir-faire traditionnels liés à la forêt et à la plantation d’arbres.

• Intégration de la Dimension Sociale et Participative : La plantation manuelle se prête bien aux projets participatifs, impliquant les communautés locales, les bénévoles, les scolaires, etc. Elle favorise l’appropriation du projet par les populations et renforce le lien entre l’homme et la forêt.

II. Outils et Méthodes de Plantation Manuelle : Un Outillage Simple et Efficace

La plantation manuelle ne nécessite pas d’équipements sophistiqués. Un outillage simple, robuste et adapté aux conditions du terrain est suffisant pour réaliser une plantation efficace. Les outils de plantation manuelle les plus couramment utilisés sont :

• • Le Plantoir (Planting Bar/Dibble Bar) : Outil le plus couramment utilisé pour la plantation manuelle de plants à racines nues et de petits plants en conteneurs. Il se présente sous la forme d’une barre métallique effilée, souvent munie d’une poignée et d’un repose-pied. Il permet de réaliser un trou de plantation en enfonçant la barre dans le sol et en la retirant, puis d’introduire le plant dans le trou et de refermer le sol en tassant avec le talon.

• • La Bêche (Spade) : Outil polyvalent utilisé pour la préparation de trous de plantation plus larges et plus profonds, en particulier pour les plants de plus grande taille ou en conteneurs plus volumineux. Elle permet de soulever une motte de terre, de creuser un trou, puis de replacer la terre autour du plant après plantation. La bêche est également utile pour le débroussaillage léger et la préparation ponctuelle du sol.

• • La Houe (Hoe) : Outil moins courant pour la plantation proprement dite, mais peut être utilisé pour la préparation de petites fosses de plantation dans les sols meubles, ou pour réaliser des semis en poquets. La houe est surtout utile pour l’entretien des jeunes plantations (désherbage, buttage).

• • La Pioche (Pickaxe) : Outil robuste utilisé pour travailler les sols très compacts, rocailleux ou caillouteux, où il est difficile de creuser avec une bêche ou un plantoir. La pioche permet de briser les pierres, de décompacter le sol, et de creuser des trous de plantation dans les terrains les plus difficiles.

• • Le Plantoir Godet (Potting Dibble) : Outil spécifique pour la plantation de plants en godets ou en petits conteneurs. Il permet de creuser un trou de la taille exacte du godet, facilitant la plantation et assurant une bonne reprise des plants.

• • Le Gant de Plantation : Gants de protection renforcés, souvent munis de griffes ou de pointes sur les doigts, pour faciliter la manipulation des plants et la réalisation des trous de plantation dans les sols meubles.

Le choix de l’outil de plantation dépend du type de plants (racines nues, conteneurs), de la taille des plants, du type de sol (meuble, compact, rocailleux), de la végétation présente, et des préférences des planteurs. Un outillage de base peut comprendre un plantoir, une bêche, et éventuellement une pioche pour les terrains difficiles.

III. Techniques de Manipulation des Plants : Préserver la Qualité et la Vigueur des Jeunes Arbres

La manipulation des plants, de la pépinière au site de plantation, est une étape délicate qui peut influencer la reprise et la croissance des jeunes arbres. Des manipulations inappropriées peuvent endommager les plants, les stresser, et réduire leurs chances de survie. Il est essentiel de respecter les bonnes pratiques de manipulation des plants :

• • Extraction Délicate des Plants de Pépinière : Lors de l’arrachage des plants à racines nues ou de l’extraction des plants en conteneurs de pépinière, manipuler les plants avec soin, en évitant de blesser ou de casser les racines, les tiges ou les bourgeons. Arracher ou extraire les plants un par un, sans tirer brutalement sur les tiges.

  • Protection des Racines Pendant le Transport et le Stockage : Les racines des plants sont très sensibles au dessèchement et aux chocs thermiques. Pendant le transport de la pépinière au site de plantation, et pendant le stockage temporaire sur le site, protéger les racines du soleil, du vent, et des températures extrêmes. Maintenir les racines humides en les enveloppant dans des sacs de jute humides, de la paille, de la toile géotextile, ou en les plaçant dans des récipients contenant de l’eau ou un gel de trempage racinaire. Éviter les stockages prolongés et planter les plants le plus rapidement possible après leur sortie de pépinière.

  • Manipulation Précautionneuse des Plants Lors de la Plantation : Lors de la plantation, manipuler les plants avec délicatesse, en les tenant par la motte de racines ou par la tige (sans écraser les bourgeons terminaux). Éviter de secouer ou de frapper les plants. Ne pas laisser tomber les plants brutalement dans les trous de plantation.

  • Hydratation des Racines Avant Plantation (si nécessaire) : Pour les plants à racines nues, il peut être bénéfique de tremper les racines dans l’eau ou une boue de pralinage juste avant la plantation, pour réhydrater les racines et favoriser la reprise.

  • Éviter le Stress Hydrique et Thermique Pendant la Plantation : Planter de préférence par temps doux et humide, tôt le matin ou en fin d’après-midi, pour limiter le stress hydrique et thermique des plants. Éviter de planter pendant les périodes de fortes chaleurs, de vent desséchant, ou de gel. Si la plantation doit être réalisée par temps chaud ou sec, prendre des mesures supplémentaires pour protéger les plants (arrosage après plantation, paillage).

IV. Profondeur et Espacement de Plantation : Des Facteurs Clés pour la Croissance et la Stabilité

La profondeur et l’espacement de plantation sont deux paramètres importants à contrôler lors de la plantation manuelle. Ils influencent la reprise, la croissance, la stabilité et la densité du futur peuplement forestier.

A. Profondeur de Plantation : Trouver le Juste Milieu

La profondeur de plantation doit être adaptée à l’espèce d’arbre, au type de plant (racines nues ou conteneurs), et aux conditions du sol. Il est généralement recommandé de planter les plants à la même profondeur qu’ils étaient en pépinière, ou légèrement plus profondément, mais jamais trop profondément.

• • Profondeur de Plantation Correcte : Le collet (zone de transition entre les racines et la tige) doit être au niveau de la surface du sol, ou légèrement enterré (1-2 cm). Les racines doivent être bien étalées dans le trou, sans être pliées, tassées ou enroulées.

  • Plantation Trop Profonde : Enterrer le collet trop profondément peut favoriser la pourriture du collet, l’asphyxie racinaire, et le développement de racines adventives sur la tige, au détriment du système racinaire principal. Peut ralentir la croissance et augmenter le risque de mortalité.

  • Plantation Pas Assez Profonde (Trop Superficielle) : Planter trop superficiellement expose les racines au dessèchement, au gel, et au déchaussement par le vent ou l’érosion. Peut limiter l’accès à l’eau et aux nutriments en profondeur. Peut également ralentir la croissance et augmenter le risque de mortalité.

Conseils pour une profondeur de plantation correcte :

• Observer la marque de collet sur la tige du plant : Cette marque indique la profondeur à laquelle le plant était en pépinière. Reproduire cette profondeur lors de la plantation.
• Adapter la profondeur au type de plant : Pour les plants à racines nues, veiller à ce que toutes les racines soient enterrées, mais sans enterrer excessivement le collet. Pour les plants en conteneurs, planter la motte de racines au niveau de la surface du sol.
• Adapter la profondeur au drainage du sol : Dans les sols mal drainés, il peut être préférable de planter légèrement moins profond, voire sur une petite butte, pour éviter l’excès d’humidité au niveau du collet. Dans les sols secs, planter légèrement plus profond peut aider à accéder à l’humidité du sol.
• Tasser légèrement le sol autour du collet après plantation : Assurer un bon contact entre les racines et le sol, et stabiliser le plant. Ne pas tasser excessivement, pour ne pas compacter le sol.

B. Espacement de Plantation : Densité du Peuplement et Objectifs de Production

L’espacement de plantation, c’est-à-dire la distance entre les plants, influence la densité du peuplement forestier, la croissance des arbres, la production de bois, la biodiversité, et la rapidité de fermeture du couvert forestier. Le choix de l’espacement dépend des objectifs du projet, des espèces d’arbres, et des conditions du site.

• • Espacement Serré (Forte Densité) : Espacement réduit entre les plants (par exemple 1m x 1m, 1.5m x 1.5m, 2m x 2m, soit 10 000 à 2 500 plants par hectare).

    • Avantages :
      • Fermeture rapide du couvert forestier, limitation de la végétation herbacée, contrôle de l’érosion.
      • Production de bois plus rapide en volume total par hectare à court terme.
      • Tiges plus rectilignes et moins branchues (compétition pour la lumière).
      • Séquestration de carbone plus rapide à court terme.
    • Inconvénients :
      • Compétition accrue entre les arbres pour la lumière, l’eau et les nutriments, pouvant ralentir la croissance individuelle des arbres à long terme.
      • Nécessité d’éclaircies plus fréquentes et plus précoces pour favoriser la croissance des arbres de qualité.
      • Peuplement moins diversifié et moins favorable à la biodiversité (milieu plus fermé, moins de lumière au sol).
      • Risque accru de propagation de maladies et de ravageurs (densité élevée).
      • Bois de plus petit diamètre à la récolte (si objectif de production de bois d’œuvre).

  • Espacement Large (Faible Densité) : Espacement plus important entre les plants (par exemple 3m x 3m, 4m x 4m, 5m x 5m, soit 1 100 à 400 plants par hectare ou moins).

    • Avantages :
      • Croissance individuelle des arbres plus rapide et plus vigoureuse.
      • Production de bois de plus gros diamètre à la récolte (si objectif de production de bois d’œuvre).
      • Moins de compétition entre les arbres, moins de stress hydrique et nutritif.
      • Peuplement plus diversifié et plus favorable à la biodiversité (milieu plus ouvert, plus de lumière au sol, développement de la végétation herbacée).
      • Moins de risques de propagation de maladies et de ravageurs (faible densité).
      • Moins d’éclaircies nécessaires.
    • Inconvénients :
      • Fermeture du couvert forestier plus lente, végétation herbacée plus présente, risque d’érosion initialement plus élevé.
      • Production de bois moins rapide en volume total par hectare à court terme.
      • Tiges plus branchues et moins rectilignes (moins de compétition pour la lumière).
      • Séquestration de carbone moins rapide à court terme.

Recommandations générales pour l’espacement de plantation :

• Adapter l’espacement aux objectifs :

  • Production de bois d’œuvre de qualité : Espacement plutôt large (3m x 3m à 4m x 4m ou plus), pour favoriser la croissance en diamètre et la production de bois de gros diamètre.
  • Production de biomasse énergie ou de bois de chauffage : Espacement plus serré (2m x 2m à 2.5m x 2.5m), pour maximiser la production de biomasse à court terme.
  • Restauration écologique et biodiversité : Espacement variable et irrégulier, imitant la structure des forêts naturelles, avec des zones plus denses et des zones plus ouvertes. Densité moyenne à faible.
  • Lutte contre l’érosion ou reboisement protecteur : Espacement plus serré (2m x 2m ou moins) pour assurer une fermeture rapide du couvert et une protection efficace du sol.
  • Agroforesterie : Espacement très variable, en fonction du système agroforestier et des espèces associées. Alignements d’arbres espacés entre des cultures ou des pâturages.
  • Forêt urbaine ou paysagère : Espacement variable et irrégulier, en fonction des objectifs esthétiques et d’usage, et de l’intégration dans le paysage urbain.

• Adapter l’espacement aux espèces : Les espèces héliophiles (qui aiment la lumière) tolèrent mieux les espacements larges. Les espèces sciaphiles (qui aiment l’ombre) peuvent être plantées plus serrées. Les espèces à croissance rapide peuvent nécessiter des éclaircies plus précoces et peuvent être plantées initialement plus serrées.

• Adapter l’espacement au site : Dans les sols pauvres ou secs, un espacement plus large peut réduire la compétition pour l’eau et les nutriments. Dans les zones à forte végétation compétitrice, un espacement plus serré peut permettre aux jeunes arbres de mieux concurrencer la végétation herbacée.

• Tenir compte des pratiques locales et des recommandations techniques : Se renseigner sur les espacements de plantation recommandés pour les espèces locales et les conditions de site similaires. Consulter les guides techniques et les experts forestiers locaux.

V. Bonnes Pratiques pour Optimiser la Reprise des Plants : Maximiser le Succès de la Plantation

Au-delà des techniques de plantation et du respect de la profondeur et de l’espacement, plusieurs bonnes pratiques contribuent à optimiser la reprise des plants et à maximiser le succès de la reforestation manuelle :

• Planter au Bon Moment : Choisir la saison de plantation la plus favorable, généralement en automne ou au printemps dans les régions tempérées, ou au début de la saison des pluies dans les régions tropicales. Planter lorsque les conditions climatiques sont douces et humides, favorisant la reprise des plants. Éviter les périodes de fortes chaleurs, de sécheresse, de gel, ou de vent desséchant.

• Préparer Correctement les Trous de Plantation : Creuser des trous de plantation de taille suffisante pour accueillir les racines des plants sans les plier ou les tasser. Ameublir le fond et les parois du trou pour faciliter la pénétration des racines. Dans les sols très compactés, réaliser un décompactage localisé au fond du trou. Éliminer les pierres, les racines, les débris qui pourraient gêner l’enracinement.

• Planter Rapidement Après Extraction de Pépinière : Réduire au minimum le délai entre l’extraction des plants de pépinière et leur plantation sur le terrain. Planter idéalement dans les jours qui suivent l’arrachage ou la sortie des conteneurs. Si un stockage temporaire est nécessaire, respecter les consignes de protection et de conservation des plants.

• Protéger les Plants Après Plantation (si nécessaire) : En fonction du contexte et des menaces (broutement, sécheresse, vent, soleil intense), mettre en place des mesures de protection des jeunes plants :

  • Protection contre le broutement : Clôtures autour des parcelles, protections individuelles autour des plants (manchons, gaines, grillages).
  • Protection contre le dessèchement : Paillage au pied des plants, arrosage après plantation (en cas de sécheresse), ombrage temporaire (si exposition excessive au soleil).
  • Protection contre le vent : Brise-vent, tuteurs (si espèces sensibles au vent).
  • Protection contre les incendies : Débroussaillement autour des parcelles, création de pare-feu.

• Réaliser un Suivi et un Entretien Post-Plantation : Après la plantation, réaliser un suivi régulier pour évaluer le taux de survie, la croissance et l’état sanitaire des plants. Intervenir si nécessaire :

  • Remplacement des plants morts : Regarnissage des zones où la mortalité est élevée, pour maintenir la densité de peuplement.
  • Désherbage : Éliminer la végétation adventice qui concurrence les jeunes plants.
  • Arrosage : Arroser les jeunes plants en cas de sécheresse prolongée, en particulier pendant les premiers étés.
  • Fertilisation (rarement nécessaire) : Apport d’engrais si les plants présentent des signes de carence, mais généralement à éviter sauf cas spécifiques.
  • Protection phytosanitaire : Surveiller l’apparition de maladies ou de ravageurs et intervenir si nécessaire (lutte biologique ou raisonnée).
  • Entretien des protections : Vérifier et réparer les clôtures, les protections individuelles, les paillages, etc.

En conclusion, votre chapitre sur les méthodes de plantation manuelle met en évidence un savoir-faire technique précieux et toujours d’actualité pour la reforestation. La plantation manuelle, lorsqu’elle est réalisée avec des outils adaptés, en respectant les bonnes pratiques de manipulation des plants, de profondeur et d’espacement de plantation, et en mettant en œuvre un suivi et un entretien rigoureux, est une méthode efficace et durable pour restaurer les forêts, en particulier dans les contextes difficiles ou pour les projets à dimension humaine et participative.

La suite de votre document devrait logiquement aborder les méthodes de plantation mécanisée, complémentaires de la plantation manuelle, et adaptées à d’autres contextes et objectifs. N’hésitez pas à partager la suite !