Chapitre 26 : Mobilité Durable des Collaborateurs : Encourager les Modes de Transport Alternatifs et Décarbonés

La mobilité durable des collaborateurs est devenue un enjeu majeur pour les entreprises soucieuses de leur impact environnemental, de la qualité de vie de leurs employés, et de leur performance globale. Les déplacements domicile-travail représentent une part significative des émissions de gaz à effet de serre et des nuisances liées aux transports. Encourager les modes de transport alternatifs et décarbonés est une démarche à la fois responsable et bénéfique à de nombreux égards.

Impact environnemental de la mobilité domicile-travail : émissions de CO2, pollution, congestion :

Il est essentiel de prendre conscience de l’ampleur de l’impact environnemental des déplacements domicile-travail, souvent sous-estimé. La mobilité pendulaire, majoritairement réalisée en voiture individuelle, génère des conséquences significatives :

• Émissions de gaz à effet de serre (GES) et contribution au changement climatique :

  • Principal gaz à effet de serre émis : Le dioxyde de carbone (CO2), issu de la combustion des carburants fossiles (essence, diesel) dans les moteurs des véhicules thermiques.
  • Contribution importante aux émissions totales de GES : Le secteur des transports est un contributeur majeur aux émissions de GES au niveau national et international. Les déplacements domicile-travail représentent une part non négligeable de ces émissions, en particulier en zones urbaines et périurbaines où l’usage de la voiture individuelle est prédominant.
  • Impact sur le changement climatique : L’accumulation de GES dans l’atmosphère est la principale cause du réchauffement climatique, avec ses conséquences déjà visibles et à venir (augmentation des températures, événements climatiques extrêmes, montée des eaux, etc.). Réduire les émissions liées à la mobilité domicile-travail est un enjeu crucial pour lutter contre le changement climatique.

• Pollution atmosphérique et impacts sur la santé publique :

  • Polluants atmosphériques émis par les véhicules : Particules fines (PM10, PM2.5), oxydes d’azote (NOx), composés organiques volatils (COV), monoxyde de carbone (CO), ozone (O3), etc.
  • Impacts sur la santé : Ces polluants atmosphériques ont des effets néfastes sur la santé humaine, provoquant ou aggravant des maladies respiratoires (asthme, bronchite chronique), cardiovasculaires, des cancers, des allergies, etc. La pollution atmosphérique urbaine est un problème de santé publique majeur, en particulier dans les grandes villes.
  • Exposition accrue des populations : Les populations urbaines et périurbaines, qui effectuent des déplacements domicile-travail réguliers, sont particulièrement exposées à la pollution atmosphérique liée aux transports, que ce soit dans les embouteillages, à proximité des axes routiers, ou dans les transports en commun.

• Congestion routière et coûts socio-économiques :

  • Saturation des infrastructures routières : L’utilisation massive de la voiture individuelle, surtout aux heures de pointe, entraîne des embouteillages importants dans les zones urbaines et périurbaines.
  • Conséquences de la congestion :
    • Perte de temps pour les salariés : Allongement des temps de trajet, stress lié aux embouteillages, fatigue.
    • Coûts économiques pour les entreprises et la collectivité : Perte de productivité, retards, coûts supplémentaires liés aux transports de marchandises, coûts liés à la gestion de la congestion (infrastructures, signalisation, personnel).
    • Nuisances sonores : La congestion génère du bruit, qui peut être source de stress et de problèmes de santé.
  • Impact sur la qualité de vie : La congestion routière dégrade la qualité de vie en milieu urbain, en rendant les déplacements plus longs, plus stressants, et moins agréables.

• Consommation d’énergie fossile et dépendance énergétique :

  • Forte dépendance aux énergies fossiles : La mobilité domicile-travail, lorsqu’elle est basée sur la voiture individuelle thermique, repose très largement sur la consommation de carburants fossiles (essence, diesel), ressources non renouvelables et dont les prix sont fluctuants et soumis à des tensions géopolitiques.
  • Enjeux de la transition énergétique : La transition vers une mobilité décarbonée et moins dépendante des énergies fossiles est un enjeu majeur pour la sécurité énergétique, la réduction des émissions de GES, et la construction d’une économie plus durable.

• Occupation de l’espace et artificialisation des sols :

  • Infrastructures routières et parkings : Le développement de la voiture individuelle nécessite des infrastructures routières importantes (routes, autoroutes, échangeurs, parkings), qui artificialisent les sols, fragmentent les espaces naturels, et contribuent à l’étalement urbain.
  • Impact sur la biodiversité et les paysages : L’artificialisation des sols et la fragmentation des milieux naturels ont des conséquences négatives sur la biodiversité et les paysages.

Face à ces impacts environnementaux, sanitaires, économiques et sociaux, il est impératif d’encourager la mobilité durable des collaborateurs et de promouvoir des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle thermique.

Mesures pour encourager la mobilité durable : plan de mobilité, incitations financières, infrastructures (bornes de recharge, parkings vélos), télétravail, covoiturage, transports en commun :

Les entreprises ont un rôle majeur à jouer pour favoriser la mobilité durable de leurs collaborateurs. Un éventail de mesures peuvent être mises en œuvre, allant de la planification stratégique à des actions concrètes et incitatives :

• Élaboration et mise en œuvre d’un Plan de Mobilité (PDM) :

  • Définition du Plan de Mobilité (PDM) : Le Plan de Mobilité, ou Plan de Déplacements Entreprise (PDE) en France, est une démarche volontaire (parfois obligatoire pour certaines entreprises) visant à optimiser et à encourager les modes de déplacements durables pour les trajets domicile-travail et les déplacements professionnels des employés.
  • Étapes clés d’un PDM :
    1. Diagnostic de la mobilité des employés : Réalisation d’enquêtes mobilité auprès des salariés pour connaître leurs habitudes de déplacement, leurs besoins, leurs attentes, et les freins à l’utilisation des modes de transport alternatifs.
    2. Analyse des données et identification des enjeux : Analyse des résultats de l’enquête, identification des principaux modes de transport utilisés, des distances domicile-travail, des zones de résidence des employés, des difficultés de déplacement, des potentiels de développement des modes alternatifs.
    3. Définition d’objectifs et d’indicateurs : Fixation d’objectifs chiffrés de réduction de l’usage de la voiture individuelle et d’augmentation de la part des modes alternatifs (vélo, transports en commun, covoiturage, marche à pied, télétravail). Définition d’indicateurs de suivi de la performance du PDM.
    4. Définition et mise en œuvre d’actions concrètes : Choix d’un ensemble de mesures adaptées au contexte de l’entreprise et aux besoins des employés, parmi les exemples présentés ci-dessous (incitations financières, infrastructures, télétravail, etc.).
    5. Suivi, évaluation et ajustement du PDM : Mise en place d’un suivi régulier des indicateurs de performance, évaluation de l’efficacité des actions mises en œuvre, ajustement du PDM en fonction des résultats et des retours d’expérience.
  • Avantages d’un PDM : Structurer la démarche, mobiliser les acteurs, définir une stratégie globale, mesurer les progrès, optimiser les actions, communiquer sur l’engagement de l’entreprise en matière de mobilité durable.

• Incitation financières :

  • Forfait Mobilités Durables (FMD) : Dispositif légal en France (et équivalents dans d’autres pays) permettant aux employeurs de verser à leurs salariés une allocation exonérée d’impôt et de cotisations sociales pour les inciter à utiliser des modes de transport alternatifs pour leurs trajets domicile-travail.
  • Modes de transport éligibles au FMD (liste non exhaustive) : Vélo (personnel ou en location), vélo à assistance électrique, covoiturage (conducteur ou passager), transports en commun (abonnement), autopartage, engins de déplacement personnels motorisés (trottinettes électriques, gyroroues, etc.) en location ou en libre-service.
  • Montant du FMD : Plafonds de versement annuels exonérés, qui peuvent être revalorisés. Les entreprises peuvent moduler le montant du FMD en fonction des modes de transport utilisés et des distances domicile-travail.
  • Autres incitations financières possibles : Prise en charge partielle ou totale des abonnements de transports en commun au-delà du minimum légal, participation aux frais de location de vélos, primes au covoiturage, indemnités kilométriques vélo (IKV) au-delà du FMD (soumises à cotisations sociales et à impôt, mais peuvent rester intéressantes), aides à l’achat de vélos électriques, etc.

• Infrastructures et équipements favorisant les modes de transport alternatifs :

  • Bornes de recharge pour véhicules électriques (VE) : Installation de bornes de recharge sur le parking de l’entreprise pour encourager l’usage des voitures électriques par les employés et les visiteurs. Nombre de bornes et puissance à dimensionner en fonction des besoins et du potentiel de développement de la flotte de VE. Privilégier les bornes accessibles à tous les employés, voire au public (si possible).
  • Parkings vélos sécurisés et abrités : Aménagement de parkings vélos couverts et sécurisés (avec arceaux, abris, locaux fermés, vidéosurveillance) à proximité des bâtiments, pour faciliter le stationnement des vélos et les protéger du vol et des intempéries. Prévoir un nombre de places suffisant et adapté aux besoins.
  • Locaux vélos avec équipements complémentaires : Aménagement de locaux vélos plus complets, avec des équipements complémentaires pour les vélotafeurs : Bornes de recharge pour vélos électriques, outils de réparation, pompes à vélo, vestiaires, douches, casiers individuels. Créer un véritable « pôle vélo » attractif et fonctionnel.
  • Places de stationnement réservées au covoiturage : Aménagement de places de parking clairement identifiées et réservées aux véhicules en covoiturage, situées à proximité de l’entrée des bâtiments, pour faciliter et valoriser le covoiturage.
  • Aménagements pour les piétons et les cyclistes : Amélioration de l’accessibilité piétonne et cyclable du site de l’entreprise : Création de cheminements piétons et cyclables sécurisés, aménagements paysagers, signalétique, éclairage, mobilier urbain, etc. Rendre l’environnement de travail plus agréable et plus favorable aux modes actifs.
  • Douches et vestiaires : Mise à disposition de douches et de vestiaires pour les employés venant travailler à vélo ou à pied, afin de faciliter la pratique du vélotaf et de la marche à pied. Aménagements particulièrement appréciés et incitatifs.

• Télétravail et travail à distance :

  • Encourager le télétravail régulier ou occasionnel : Le télétravail permet de réduire le nombre de trajets domicile-travail, et donc les émissions de GES et la congestion. Développer une politique de télétravail claire et encadrée, en tenant compte des besoins de l’entreprise et des attentes des employés. Faciliter l’accès au télétravail (équipements, outils numériques, accompagnement).
  • Développer le travail à distance et les espaces de coworking : Favoriser le travail dans des espaces de coworking plus proches du domicile des employés, ou la création d’antennes ou de bureaux secondaires dans des zones géographiques différentes, pour réduire les distances domicile-travail.

• Covoiturage :

  • Plateformes de covoiturage d’entreprise : Mise en place de plateformes numériques internes ou partenariales pour faciliter la mise en relation des employés souhaitant covoiturer. Fonctionnalités de recherche de covoitureurs, de proposition de trajets, de gestion des inscriptions, etc. Promouvoir activement ces plateformes auprès des employés.
  • Incitation au covoiturage : Places de parking réservées, primes au covoiturage (via le FMD ou d’autres dispositifs), organisation d’événements de promotion du covoiturage, communication sur les bénéfices du covoiturage (économiques, environnementaux, sociaux).

• Promotion des transports en commun et de la mobilité active :

  • Information et sensibilisation aux transports en commun : Fournir aux employés des informations claires et pratiques sur les réseaux de transports en commun desservant le site de l’entreprise (plans, horaires, tarifs, itinéraires, abonnements). Organiser des journées portes ouvertes des transports en commun, des essais gratuits, des visites guidées des réseaux.
  • Facilitation de l’accès aux transports en commun : Négocier des tarifs préférentiels ou des abonnements groupés avec les opérateurs de transport en commun. Améliorer l’accessibilité du site de l’entreprise depuis les arrêts de transports en commun (cheminements piétons, signalétique, éclairage).
  • Promotion de la mobilité active (vélo, marche à pied) : Campagnes de communication sur les bénéfices du vélo et de la marche à pied pour la santé, l’environnement et le bien-être. Organisation d’événements autour du vélo et de la marche à pied (journées « vélo au travail », challenges de mobilité active, ateliers de réparation de vélos, etc.). Mise à disposition de flottes de vélos de service pour les déplacements professionnels de courte distance.

Communication et sensibilisation à la mobilité durable auprès des employés :

La communication et la sensibilisation sont essentielles pour accompagner la mise en œuvre des mesures en faveur de la mobilité durable et pour susciter l’adhésion et l’engagement des employés. Une communication efficace doit être :

• Régulière et continue : La sensibilisation à la mobilité durable n’est pas une action ponctuelle, mais une démarche à long terme. Il est important de communiquer régulièrement sur le sujet, tout au long de l’année, pour maintenir l’attention et la motivation.

• Multicanal et adaptée aux différents publics : Utiliser différents canaux de communication pour toucher tous les employés : Intranet, newsletters, e-mails, affiches, écrans d’affichage dynamique, réunions d’équipe, événements, réseaux sociaux internes, etc. Adapter les messages et les supports de communication aux différents types de publics (salariés, managers, direction).

• Positive et incitative : Privilégier un ton positif et encourageant, en mettant en avant les bénéfices de la mobilité durable (économies, santé, bien-être, environnement, convivialité, image de l’entreprise). Éviter le ton culpabilisant ou moralisateur. Mettre en avant les aspects pratiques et les solutions concrètes pour faciliter le passage aux modes de transport alternatifs.

• Visuelle et ludique : Utiliser des visuels attractifs (infographies, illustrations, photos, vidéos) pour rendre les messages plus percutants et plus mémorables. Intégrer des éléments ludiques (quiz, jeux concours, témoignages, challenges) pour susciter l’intérêt et l’engagement.

• Participative et collaborative : Impliquer les employés dans la démarche de communication et de sensibilisation. Recueillir leurs témoignages, leurs idées, leurs suggestions. Faire des employés des ambassadeurs de la mobilité durable auprès de leurs collègues.

• Transparente et factuelle : Communiquer des données et des chiffres clés sur l’impact de la mobilité domicile-travail et les résultats des actions menées (réduction des émissions, augmentation de l’usage des modes alternatifs, taux de satisfaction des employés). Être transparent sur les objectifs et les progrès.

• Exemples d’actions de communication et de sensibilisation :

  • Campagnes d’affichage sur la mobilité durable dans les locaux de l’entreprise : Affiches informatives et incitatives sur les différents modes de transport alternatifs, les éco-gestes de mobilité, les avantages du FMD, les infrastructures disponibles, etc.
  • Organisation d’événements ponctuels : Semaine de la mobilité, journée « vélo au travail », challenges inter-entreprises de mobilité, forums de la mobilité, ateliers de réparation de vélos, essais de vélos électriques, stands d’information sur les transports en commun, etc.
  • Création de guides pratiques et de FAQ sur la mobilité durable : Guides en ligne ou papier présentant les différents modes de transport alternatifs, les aides financières disponibles, les itinéraires cyclables, les horaires de transports en commun, les conseils pour le covoiturage, etc. Réponses aux questions fréquemment posées par les employés sur la mobilité durable.
  • Témoignages d’employés « mobiles durables » : Mettre en avant des employés qui utilisent déjà des modes de transport alternatifs, recueillir leurs témoignages, leurs conseils, leurs expériences, pour inspirer et encourager d’autres employés à les imiter.
  • Mise en place d’un « simulateur de mobilité » : Outil en ligne permettant aux employés de calculer l’impact environnemental et économique de leurs trajets domicile-travail en fonction des différents modes de transport, et de comparer les options.
  • Intégration de la mobilité durable dans les parcours d’intégration des nouveaux employés : Présenter la politique de mobilité durable de l’entreprise dès l’arrivée des nouveaux collaborateurs, leur fournir des informations et des outils pour faciliter leurs déplacements durables.

En conclusion, la mobilité durable des collaborateurs est un levier essentiel pour réduire l’empreinte environnementale des entreprises et améliorer la qualité de vie au travail. La mise en place d’un Plan de Mobilité ambitieux et adapté, combinant incitations financières, développement d’infrastructures, promotion du télétravail et du covoiturage, et actions de communication et de sensibilisation efficaces, permettra de transformer durablement les habitudes de déplacement et de construire une mobilité plus sobre, plus propre, et plus agréable pour tous.